Les critiques de Cathy M et godspeed
Des critiques de ce qu'on veut, faites comme on le veut... :)


28.8.03  

Phantom Power, des Super Furry Animals.



Comment donner suite à un chef d’œuvre ? C’était la dure mission, qui avait tout d’impossible, qu’ont tenté d’accomplir les Super Furry Animals avec ce sixième album (qui coïncide avec leur dix ans d’existence). En effet, en 2001, se prenant peut-être pour les Kubrick de la pop-music, nos amis gallois très poilus avait accouché d’un opus psychédélique d’une originalité gargantuesque et tout bonnement incontournable, l’énorme Rings Around The World. Alors à l’heure de lui donner un successeur, la tache aurait pu paraître trop ardue et la déception pointer aisément le bout de son nez. Or, c’est oublier que les SFA sont d’abord le plus grand groupe gallois du monde (avec les Gorky’s Zygotic Mynci (oublions les Manic Street Preachers ou autres Stereophonics, aussi excitants qu’un match de football de Deuxième Division)) et l’un des plus grand groupe de pop du monde tout court, malgré son relatif anonymat public dans nos frontières (alors qu’ils vendent des millions d’albums et disposent d’une crédibilité critique à toute épreuve en Grande-Bretagne). Et c’est donc avec talent que ce Phantom Power se montre à la hauteur de l’attente, album plus raisonnable mais toujours plein comme un œuf d’idées renversantes et surtout, disque complètement réussi.

Légèrement moins (sur)produit que son prédécesseur, Phantom Power est donc un trésor de pop à fredonner, qu’elle soit feutrée et moelleuse ou bien débridée et dansante mais dans tout les cas, totalement réjouissante. Car les SFA savent jouer l’éclectisme, que ce soit au sein de l’album ou même d’une chanson, difractant leur inépuisable inspiration en un joli spectre musical aux couleurs chatoyantes. Le début de l’album est particulièrement radieux, expédiant trois pépites pop en moins de dix minutes : la ballade Hello Sunshine est effectivement une ravissante chanson pour se réveiller ; l' incontournable Liberty Belle est déjà favorite dans le concours de la parfaite pop-song de l’année, dotée d’une mélodie imparable, d’un texte à la poésie inspirée (on y reviendra…), chanson qui s’imprime rapidement au fin fond du conduit auditif ; le blues hybride de Golden Retriever provoque des picotements dans les muscles fléchisseurs du genou ; et plus loin sur l’album, l’énergique Venus & Serena n’évoque pas les 2 sœurs Williams comme on pourrait le penser au premier abord, puisque le livret nous informe qu’il s’agit en fait de l’histoire d’un garçon élevé par les loups, et dont les meilleures amies étaient 2 tortues : oui, chez les SFA, on manie aussi habilement l’humour.

Si tous les morceaux ne courent pas après cette concision pop absolue, la facilité mélodique du groupe force l’admiration, alliée à une science de l’orchestration qui laisse souvent baba (ce qui est normal pour un groupe si cool…). L’axe Beatles-Beach Boys (voire même Byrds d’après certains experts musicaux) est souvent des plus identifiables dans les chœurs et les arrangements ; mais si sa généalogie est reconnue, les SFA ne doivent bien leur originalité qu’à eux-mêmes et leur sens du moulinage tout azimut et du brassage multiculturel : les pièces à conviction ne manquent pas, allant du crétin Valet Parking, avec son intro bossa-nova et ses chœurs parodiques qui raconte un voyage en auto de Cardiff à Vilnius (destination à la mode, semble-t-il…), à The Undefeated et ses cuivres expansifs, en passant par l’aérien et molletonné Cityscape Skybaby … Et même lorsqu’ils tentent des constructions savantes, l’expérimentation ne paraît jamais forcée, s’effaçant devant l’efficacité de la chanson : en sont les preuves les ambitieux The Piccolo Snare et Slow Life, mini-symphonies aux divers changements de rythme mélodique et aux légères touches électro.

Mais si les SFA savent faire rimer exubérance avec intelligence, ils savent aussi faire attention au monde qui les entourent ; à ce titre, Phantom Power laisse transparaître un groupe plus mature, empreint d’un peu de mélancolie et de résignation mais jamais dénué du point de vue personnel. Out of Control est une boule de rage contre tous les excès de la race humaine ("Holy wars / Phantom power... We are one kind / Unrefined and / OUT OF CONTROL"), le délicat Bleed Forever évoque le nuage radioactif de Tchernobyl et les centrales nucléaires qui pullulent au Pays de Galles et Sex, War & Robots est une perle de tristesse sur un lit de cordes raffinées ("If tears could kill, I’d be a long time gone…"). Et Liberty Belle est donc une vraie pépite, évoquant l’interventionnisme US vu du ciel par un petit oiseau ("You know we’re digging to hell / Drowning in our oil wells…"), se permettant même une allusion délicate aux évènements du 11 septembre, sans pour autant être ridicule, ce qui est en soit un petit exploit ("As the ashes fly from New York City / Past the grimy clouds above New Jersey / Past the kids who like to smoke like chimneys / To the sky").

Et l’on pourrait citer bien d’autres textes, l’intelligence poétique de Gruff Rhys n’ayant d’égale que le charme ensorceleur de sa voix ou la maîtrise musicale évidente d’un groupe totalement décomplexé vis-à-vis de son œuvre. Album harmonieux, psychédélique, imaginatif, imposant et chaleureux, Phantom Power s’écoute en boucle avec un plaisir sans cesse renouvelé, les SFA rappelant enfin à tout le monde que l’on peut faire de la musique ambitieuse tout en restant simple et agréable. Si l’on attendra un peu avant de lui donner une place certainement flatteuse dans les classements de fin d’année, rien ne nous empêche déjà de lui remettre la couronne du disque le plus rafraîchissant de 2003.

posted by godspeed | 15:58 |


17.8.03  

Terminator 3 : Le Soulèvement des Machines (T3 : Rise of the Machines), de Jonathan Mostow

Dès sa préparation, ce projet ressemblait à une mauvaise blague : à quoi pouvait bien servir un troisième volet à la saga Terminator (surtout après un T2 aussi définitif que celui de James Cameron) si ce n'est relancer la carrière déclinante (le mot est faible…) d'Arnold Schwarzenegger ? Les refus successifs de Cameron et de Linda Hamilton de participer à l'aventure, puis la mise à l'écart d'Edward Furlong (pour cause de consommation excessive de poudre blanche) laissaient craindre une perte indéniable de l'âme originelle de la saga. Malgré un accueil critique curieusement positif en France, la vision du film nous le confirme, ce Terminator 3 est faible, très faible…

Pourtant le pré-générique était plutôt prometteur : la présentation, sur un mode désenchanté, d'un John Connor esseulé après la mort de sa mère, dépressif et sans illusions, hanté par une destinée qu'il refuse mais qu'il craint toute proche : être le leader de la résistance, celui qui mènera l'humanité à la victoire dans la lutte contre les machines après le jugement dernier (le "Judgment Day", repoussé grâce aux événements advenus dans T2). Cinq premières minutes qui sont peut-être les plus habitées de tout le film, les seules où un maigre souffle dramaturgique se fera sentir car la suite sera nettement plus quelconque, décalque paresseux de T2 : 2 Terminators arrivent en ville, un nouveau modèle "féminin", le T-X, envoyé dans le passé pour tuer John Connor et ses futurs lieutenants, et un ancien modèle déjà connu, le T-101, chargé de le protéger ainsi que Kate Brewster, jeune vétérinaire qui jouera un rôle primordiale dans l'avenir (et interprétée par Claire Danes, d'une transparence peu commune, dans un rôle assez ingrat il est vrai…). C'est un scénario bien pauvre qui se jouera par la suite, une molle course-poursuite (et contre-la-montre) pour empêcher le jugement dernier tout proche ("Zut, plus que 3 heures !"), parvenant rarement à captiver le spectateur malgré l'importance de l'enjeu (un comble quand on se rappelle de la haute teneur tragique qui animait les 2 premiers volets).

Car ce T3 manque cruellement d'inspiration et chaque minute qui passe nous le rappelle : l'arrivée des 2 terminators empeste le déjà-vu et leurs premières rencontres avec le monde actuel ressemblent à de lourdes parodies, des gimmicks / passages obligés des plus pénibles (Schwarzy qui cherche un costume puis des lunettes de soleil, les déclarations ridicules du T-X lorsqu'elle trouve une voiture ou un pistolet de flic…). Le T-X, parlons-en justement, où l'on sent bien que les scénaristes ont essayé de refaire le coup du T-1000 ; or, faute d'un nouveau concept original, sa seule innovation notable consiste à être une femme, ainsi qu'un fourre-tout d'idées en vrac plutôt laborieuses (un bras canon-plasma ou lances-flammes, polyforme, contrôle de camions à distance, épluche concombre…) ; l'interprétation glaciale mais sans subtilité ni recul de Kristanna Loken achève de rendre ce méchant assez insipide et donc peu effrayant (et de nous faire regretter Robert Patrick). Ajoutons à ça des dialogues peu inspirés, des tours de passe-passe scénaristiques un peu durs à avaler (la rencontre et toute l'histoire entre John et Kate dont le père, comme par hasard, s'occupe de Skynet…), un humour pas toujours très réussi, des péripéties peu captivantes (le soulèvement des machines vers la fin ou le combat entre les 2 terminators dans les toilettes se regardent sans passion aucune…), un scénario plutôt maigrichon et sans originalité, et T3 se révèle un produit calibré tout ce qu'il y a de plus dispensable. D'autant plus dommage alors de voir subsister quelques traces d'éléments qui auraient mérité d'être développés plus en avant comme la propagation du virus permettant l'activation de Skynet, le futur de John et Kate, ou tout simplement l'attitude désespérée de John, laissant Nick Stahl (pourtant impeccable dans Bully de Larry Clark, ou In The Bedroom) faire ce qu'il peut avec un personnage trop fade.



Et aux commandes de ce produit sans saveur, Jonathan Mostow, faiseur honnête mais sans génie, qui dispose d'une étonnante crédibilité chez les critiques grâce à 2 premiers films pourtant surestimés (Breakdown est d'une rare indigence et U-571, film de sous-marin, même s'il est honorable, reste assez banal et n'arrive pas à la cheville du récent Abymes de David Twohy). Si sa maîtrise technique est indéniable et est à l'origine de la seule scène mémorable du film (une superbe et dévastatrice poursuite en camion-grue), Mostow peine à donner corps à une histoire de toute façon sans grand intérêt car il lui manque une chose essentielle, ce qui faisait en partie la force des 2 opus de Cameron : de la personnalité, un point de vue, une puissance visionnaire qui scotcherait au fauteuil. Mais non, seule la fin de son T3 surprend, une conclusion étonnamment pessimiste, qui nous dit qu'on n'échappe pas à son destin. Plus qu'une pirouette gratuite ouvrant la porte à d'autres suites (qui viendront peut-être quand même), une fin qui permet de boucler idéalement et logiquement la saga, sans qu'il n'y ait rien d'autre à rajouter.

Reste à parler d'Arnold Schwarzenegger. Dans un rôle plus en retrait qu'auparavant, Schwarzy ressemble à une parodie de lui-même (mais pas aussi drôle que dans Last Action Hero, c'est dommage…), au jeu forcé et pataud, à l'aspect carton-pâte, rendu vaguement pathétique par ses dialogues navrants, qui nous ferait presque de la peine si l'on n'avait pas déjà perdu tout espoir en l'autrichien depuis longtemps (depuis Batman & Robin en fait…). Comme il le dit si bien dans le film, c'est un "modèle obsolète". Malheureusement, à travers lui et le film de Mostow, c'est tout le concept du Terminator lui-même qui paraît obsolète, démodé, venant d'un âge dépassé. Espérons seulement que quelqu'un pense à stopper la chaîne de montage.

posted by godspeed | 11:41 |


11.8.03  

Abîmes (Below), de David Twohy.

Genre à part entière et ultra-codifié (soit un huis clos étouffant avec périscope, torpilles et jeu de cache-cache en plongée à la clé), le film de sous-marin nous a pour l’instant donné plus de produits oubliables (A la Poursuite d’Octobre Rouge, USS Alabama, U-571, K-19…) que de réels chefs d’œuvre (ou alors un seul : Das Boot). L’idée de coupler cet univers rigide à une histoire de fantômes, autre thématique balisée à l’extrême, pouvait paraître des plus saugrenues, tout en attisant une petite pointe de curiosité. Mais deux arguments de poids rendaient ce Below plus prometteur qu’un produit lambda : d’abord la présence au scénario de Darren Aronofsky, impressionnant réalisateur viscéral de Pi et Requiem For a Dream. Ensuite, on constate que c’est le nouveau film de David Twohy, réalisateur qui avait laissé un très bon souvenir avec l’un des meilleurs films de SF de ces dernières années, l’éblouissant Pitch Black, intelligent décalque d’Alien et premier (seul ?) film important de Vin Diesel. Avec ces deux messieurs à bord, la croisière, à défaut de s’amuser, s’annonçait passionnante…

1943, Seconde Guerre Mondiale. Le sous-marin USS Tiger Shark secourt 3 naufragés (dont une femme), dont le navire-hôpital fut torpillé. Poursuivi par un navire allemand, le sous-marin plonge. Pour diverses causes (avaries, secrets enfouis, présence surnaturelle…), il n’est pas près de remonter…
Below met du temps à commencer. Ou plutôt : Below est un film qui commence par prendre son temps. Pendant un long moment, on ne sait pas où l’on se dirige, où l’histoire va aller, celle-ci multipliant les fausses pistes (recherche d’un possible traite, identité mystérieuse des rescapés…), pas moyen de savoir lequel des personnages va endosser l’hypothétique panoplie du héros, pas facile de mettre le doigt sur ce qui dérange mais pourtant quelque chose ne va pas, un trouble imperceptible se fait sentir, que ce soit sur les visages ou dans cette ambiance étrange. Justement, il est plaisant de se retrouver pour une fois dans une position inconfortable, où le mode d’emploi n’est pas livré clé en main. Et si le début enchaîne les péripéties habituelles du film de sous-marin (donnant ainsi une splendide scène, très crispante, de grenade qui roule tranquillement sur le pont…), c’est pour mieux s’en passer par la suite et poser les jalons d’un récit et d’une atmosphère qui vont progressivement s’obscurcir.



Car ensuite, le fantastique fait doucement son apparition, s’infiltrant sous la coque, suintant des parois, transpirant dans les coursives. Un fantastique qui apparaît par petites touches discrètes : une voix d’outre-tombe, un disque qui démarre tout seul, un visage qui apparaît fugitivement… l’angoisse monte crescendo, brillamment orchestrée. Alliée à un enfermement forcé, la claustrophobie devient de plus en plus prégnante et pesante (et peut-être éprouvante pour certains spectateurs), servant de révélateur des personnalités, dévoilant les parts d’ombres ou les lâchetés, faisant remonter des profondeurs de l’âme humaine des secrets inavouables. Car plus qu’une soi-disant malédiction ou qu’une vengeance d’outre-tombe (malgré un body count final assez lourd), c’est surtout d’un drame humain dont il retourne, d’une erreur regrettable et malheureuse aux conséquences dramatiques, laissant une trace indélébile sur la conscience des fautifs et exigeant réparation. Cette indéniable dimension humaine au sein d’une histoire fantastique trouve écho dans une interprétation irréprochable : malgré son allure de beau gosse américain élevé au blé, Matt Davis est crédible en jeune idéaliste curieux, Olivia Williams ajoute ce qu’il faut de trouble et de mystère à son rôle d’élément perturbateur et Bruce Greenwood, avec ses traits de monsieur tout le monde, campe de façon très convaincante le lieutenant devenu capitaine par défaut, rongé de l’intérieur. A noter que les personnages sont moins stéréotypés qu’à l’habitude dans ce genre de film, la plupart dépassant la simple figure unidimensionnelle pour se montrer plus ambigu ou profond, jusque dans les nombreux second rôles tenus par des on-ne-sait-jamais-comment-ils-s’appellent à la gueule burinée et tous plutôt solides (parmi eux, Jason Flemyng, Nick Chinlund ou l’épais Holt McCallany, vu dans Fight Club et Alien 3…)

Puis plus le film avance, plus il convainc, prenant au piège le spectateur dans une histoire captivante : en même temps que le sous-marin s’enfonce vers les bas-fonds de l’océan, la photo se fait de plus en plus sombre, jusqu’à jouer avec une obscurité totale et terrifiante. A ce titre, la mise en scène de Twohy est particulièrement inspirée, restant classique dans le bon sens du terme, au service de l’histoire, sans esbroufe mais avec un sens du cadre remarquable, techniquement parfaite dans les scènes d’action ou à effets spéciaux, mais capable de passages presque abstraits : c’est le cas de la scène du reflet "déphasé" dans la glace, scène sidérante, déjà anthologique et plus que marquante. Et lorsque dans la dernière partie, le sous-marin, vidé brutalement de son équipage, se transforme en bateau fantôme voguant vers sa destination finale, le film se rapproche d’un bloc d’angoisse pur, les survivants blafards ressemblant à s’y méprendre à des spectres errant sans but ou attendant la fin du voyage, comme un écho à une hypothèse farfelue émise par un marin terrifié : "et si en fait, on était déjà tous morts ?". Ce n’est pas le cas (ou alors ce sont des morts en sursis) mais l’inquiétante étrangeté qui plane sur le film pourrait presque nous y faire croire…

A l’arrivé, Below est une réussite surprenante mais majeure et certainement l’un des films les plus cohérents et aboutis de l’année en cours (année plutôt décevante d’ailleurs d’un point de vue cinématographique). L’impatience autour des prochains films de David Twohy risque alors de monter d’un cran, surtout qu’il tourne en ce moment The Chronicles of Riddick, "suite" de Pitch Black recentrée sur le personnage nyctalope de Vin Diesel ; l’occasion peut-être de confirmer que David Twohy est le réalisateur de film de genre le plus talentueux vu depuis bien longtemps. Car s’il continue à ce niveau là, il pourrait se présenter rapidement comme un successeur crédible au maître John Carpenter. Ce qui, avouons le, ne serait pas le moindre des compliments…

posted by godspeed | 14:49 |


3.8.03  

Détour Mortel (Wrong Turn), de Rob Schimdt.


Ah, la Virginie !! Ses jolis bois étendus, ses montagnes abruptes propices à l’escalade, ses sentiers escarpés et sa population locale si singulière, retirée dans des cabanes isolées, des rednecks défigurés et dégénérés après des lignées entières d’accouplement consanguins. Un argument touristique de poids…
Chris Flinn (Desmond Harrington), jeune médecin, a un rendez-vous important. La route qu'il suivait étant bloquée à cause d'un accident, il décide de faire un détour par une petite route à travers les bois (et là le spectateur attentif à qui on ne la fait pas, et qui a gardé le titre du film en tête, se dit : "mauvaise idée"). Une seconde d’inattention et hop, c’est l’accident et Chris percute la voiture de 5 jeunes en ballade. Et là le compte est bon, 2 voitures cassées, 6 jeunes gens paumés dans un trou perdu, certains qui partent chercher du secours, une maison au fond de bois trop grand pour eux, 3 péquenots monstrueux vaguement cannibales qui ont le coup de hache facile : le massacre peut commencer…

Alors non, autant le dire tout de suite, Wrong Turn ne brille pas son originalité, son synopsis déjà-vu parle pour lui, le film ne proposera pas grand chose de plus qu’un survival basique. Pourtant, au milieu de sorties estivales toutes plus navrantes les unes que les autres, le film tire plutôt bien son épingle du jeu en croyant dur comme fer à son histoire, évitant tout chichi ou explications superflues : ça sera court (1h25 top chrono), sec, resserré et efficace, pas de place pour les coquetteries post-moderne et ironiques qui boursouflaient les habituels slashers-movies post-Scream. Non, on colle de près et très sérieusement au récit rachitique et aux personnages tout juste esquissés pour maintenir une narration rapide et appliquée, avec un indéniable savoir-faire (soit une mise en scène pas renversante mais soignée à tous les niveaux…).
Le film rappelle Délivrance de John Boorman, cité par l’un des personnages : des rednecks psychopathes hululant comme des fous, la moiteur étouffante de la forêt de l’arrière-pays, des citadins forcés de se faire violence pour survivre… Mais un Délivrance sur un mode un peu plus sanglant alors, avec quelques scènes à la limite du gore mais sans excès (à part une décapitation ou un vilain charcutage de jeune fille sur table à découper…). Car Wrong Turn fait aussi penser à un autre film culte de la 1ère moitié des 70’s : The Texas Chainsaw Massacre de Tobe Hopper. Une comparaison à prendre avec des pincettes (car nettement moins malsain et suffocant) mais reste que le canevas est plus ou moins le même et que les ressemblances sont nombreuses (la station-essence, les trophées dans la maison…). Mais le film de Rob Schimdt vise beaucoup moins la postérité que ceux-ci, se préoccupant seulement de divertir en jouant sur l’ambiance tendue qu’il réussit souvent à imposer (la scène très réussie de cachette sous le lit des tueurs…) et sur un certain suspense : on se doute assez rapidement de qui va survivre mais on finit par se prendre au jeu car on aimerait bien savoir comment…



Sinon, heureusement que les personnages n’ont rien de trop complexes car pour ce qui est de l’interprétation, c’est le service minimum (mais les plus mauvais acteurs meurent en premier, c’est agréable…). On retiendra quand même le dénommé Jeremy Sisto, qui apparaît des plus sympathiques en futur marié trop bavard (pour survivre). Eliza Dushku, échappée de Buffy Vampire Slayer (tout le monde a oublié sa présence dans True Lies) est correcte, mais sans plus, dans un rôle ni trop cruche, ni trop héroïque. Le plus à l’aise reste encore une fois le prometteur Desmond Harrington : repéré en fidèle écuyer de Jeanne D’arc dans le film de Luc Besson, seul motif de satisfaction des médiocres The Hole ou Ghost Ship, Harrington s’en prend ici plein la gueule, parcourt la moitié du film sur une jambe, mais son charisme naturel et sa sobriété le rende tout à fait crédible. Son regard étrangement intense et sa présence remarquable sont alors l’un des atouts de poids de Wrong Turn, produit pas inoubliable mais une série B tout à fait correcte, honnête et agréable, comme il est bon d’en voir de temps à autre…

posted by godspeed | 17:53 |
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